Les textes de Jacques Fabre
 
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Amours mercenaires (sonnet) 
Après la pluie (sonnet)
La Sauteuse (sonnet)
Bercy
Bonheur en huitaine (sonnet)
Supplique pour le retour d'Ulysse

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Quand, par la vie brisé, mon coeur se met à l'ancre,
J'aime ce bouge infâme, au bar de bois véreux,
Où je viens m'étourdir en plaisirs onéreux
Quand ton corset défait sur un sein blanc s'échancre.
 
J'aime tes yeux brillants et tes cheveux noir d'encre,
Et tes lèvres charnues au baiser savoureux !
Ô ! Maîtresse adorée ! Sur ton corps plantureux
J'oublie tout... Érudit, je veux devenir cancre !
 
Sans vergogne je loue ces charmes mercenaires
Que, bouffis de vertu, les bourgeois vitupèrent !
Le chant de mon plaisir sonne en ton odéon...
 
Dans tes bras, un bouffon même oublie sa marotte !
L'amour prend tous les tons, comme un caméléon
Égaré sur les murs bariolés de ta grotte...
 
 
 
troquet
Le Troquet, Sylvain Bouder
     Jacques Fabre © 30 juin 2004                    
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Après la pluie
Après la pluie        
 
 
 
La pluie s'est arrêtée. Tout est repeint de frais.
Le ciel bleu revenu est neuf comme la chambre
D'un enfant attendu pour le mois de septembre.
Les noirs sont plus profonds, les blancs sont bien proprets.
 
Fiers d'avoir échappé à une fin honteuse
De gros nuages lents, au ventre teinté d'or
Par le soleil vainqueur, comme le matador
Camouflent crânement leur retraite piteuse.
 
Le feuillage luisant frissonne sous le vent ;
Quand il s'ébroue, frileux, en lumineuses gouttes,
Il jonche le gazon de mille points d'argent.
 
Le chat reste enfermé, tant ses pattes redoutent
De barboter dans l'eau. Un monde en noir et blanc
Le prive pour jamais de tout ce chatoiement.
 
      Retour  Poèmes                      Haut de la page        Jacques Fabre © 19 mars 2004
    
 
 halle_aux_vins 
 
La Halle aux Vins, Paul Cézanne
 
  
 
Adieu, fraîches allées tapies sous les platanes
Aux ronds pavés crissant sous le fer des chariots
Qui laissaient sous les rais de lumière diaphane
Percer des taches claires aux reflets maigriots.
 
Perdus, les battements de ton coeur de futaille
Jaillis des tout-puissants maillets des tonneliers !
Perdus, les grondements des tonneaux en bataille
Étalant leur désordre au seuil des ateliers !
 
Tes foudres et tes muids, cavernes sépulcrales,
Vestiges écroulés où pousse le chiendent,
Attendent, esseulés comme des cathédrales
Abandonnées de Dieu, promises au néant.
 
Quel badaud humera, aux portes de tes caves
Le souffle froid et lourd de tes trésors vineux
Et l'âcre parfum blond des douves qu'on entrave
Dans l'étroit joug brûlant de trois cercles de feu ?
 
Les grands arbres navrés de n'ombrager personne
Semblent avoir maigri sur la terre éventrée.
Et les chats efflanqués dont le regard s'étonne
Regrettent les rats gris qui ont fui la contrée.
 
Bercy et Vaugirard, la Villette et les Halles
Ont déserté les flancs de Mégalopolis
Condamnés pour jamais de peine capitale
Sur l'autel orgueilleux de l'oublieux Paris.
 
Retour  Poèmes                      Haut de la page       Jacques Fabre © 27 juillet 1989.

La sauteuse
 
 
Ses yeux sont grands ouverts, mais elle ne voit rien.
Ses battements de coeur couvrent les bruits de foule ;
Sous son regard braqué mille fois se déroule
La séquence sacrée de son essor prochain.
 
La voici tout à coup pétrifiée, attentive.
Gazelle effarouchée foulant un sol brûlant,
Elle s’élance enfin, et son pas bondissant
Trace vers les poteaux une courbe craintive.
 
Un fulgurant sursaut la propulse dans l’air.
Ses membres, souplement, comme un docile éclair,
Enveloppent la barre en gracieuse volute.
 
Elle plane un instant, portée par les hourras,
Et puis fond vers la terre où l’épais matelas
Accueille pieusement sa triomphale chute.
       
Photo L'Equipe
      Jacques Fabre © Août 2004
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Jamais je n'oublierai, je crois, cette huitaine
Où tous deux cheminions par les sous-bois châtains,
Ignorant la montagne et ses sommets hautains,
Bravant l'automne froid, sans manteau, sans mitaine.
 
Ah ! Comme il était loin, notre ciel d'Aquitaine !
Comme étaient loin Bordeaux, ses palais puritains !
Comme nous nous moquions des avenirs certains
Et du profond ennui d'une vie trop mondaine !
 
Quand tu m'offrais ton cœur, palpitant sauvageon,
Plus tendre et passionné qu'un amoureux pigeon,
J'apprenais plus de toi que tous les mots ne disent.
 
Quand, tes yeux dans les miens, tu murmurais : « Bonsoir ! »
Je savourais déjà, subtile friandise,
Le bonheur qu'au matin j'aurais à te revoir !
 
 
     Jacques Fabre ©  juin 2006 
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Supplique pour le retour d’Ulysse
 
 
Ulysse, ô très grand roi, je lance aux Dieux mon cri !
Des premières lueurs d’Aurore aux doigts de rose
Aux rouges flamboiements des soirs d’apothéose
J’adresse ma prière à l’Olympe endormi.
 
Tout un peuple orphelin appelle son monarque !
Son offrande s’entasse en vain sur les autels
Tandis que le parfum de l’encens monte au ciel
Et que mille vigies guettent la moindre barque…
 
Tous tes sujets, ô roi, craignent les Prétendants !…
Ils se terrent, craintifs et désolés. D’Ithaque
Je parcours en pleurant les rues où nul ne vaque !
Ton peuple emmuré ploie sous le joug des tyrans !
 
Reviens, ô grand Ulysse qu’un sort contraire exile !
Pénélope de toi se languit jour et nuit…
Télémaque, ton fils, ton chien Argos aussi,
Appellent de leurs vœux ton retour sur notre île.
 
Pour retarder toujours un hymen infamant
Ton épouse, la nuit, détricote la toile
Qu’elle tisse le jour. Ah ! qu’arrive la voile
De ton vaisseau vainqueur sur les flots écumants !
 
Que selon l’ordre ancien tout retrouve sa place !
Règne, règne à nouveau, paisible, entre les tiens
Pour restaurer ici la justice et le bien,
Et des malheurs passés effacer toute trace !
 
 



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