Les textes de Jacques Fabre
 
Lisez sur cette page : Le vieux saule - Matin du Tardenois - Nuages - La libellule - Vendanges en Champagne - Île de Ré
Le vieux saule
 
 
 
Comme un vieillard chenu, au milieu de la plaine,
Un vieux saule ébouriffe au vent quelques rameaux
Qui ne retiennent plus que d’étiques corbeaux
Grinçant sous le ciel clair leur chant d’âmes en peine.
 
Tombé de la nuée sur ses ailes d’ébène,
En son bec enfermant un répugnant fardeau,
L’oiseau vient s’y poser comme au bord d’un tombeau.
En son œil rond et fixe on croit voir de la haine.
 
Près des pattes griffues, au creux du tronc noueux,
S’égosille un poussin avide et coléreux
Dans le savant fouillis d’un duveteux asile.
 
Le rapace attendri se penche sur le nid
Pour nourrir doucement son oisillon fragile
Dont le cri, rauque encor, lance un espoir de vie.
 
saule
Photo Jacques Fabre
     Jacques Fabre © 20 juillet 2005                                           
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tardenois
Photo Jacques Fabre
    Matin du Tardenois
 
Le matin est frisquet. L’eau froide du ruisseau
Nerveusement clapote en se cognant aux pierres.
Sur le flanc du coteau, quelques brumes légères
S’accrochent sur le faîte endormi d’un bouleau.
 
Deux moutons étonnés ont relevé la tête.
Leurs regards, un instant, ont suivi mon chemin.
J’ai longé des murets entourant un jardin
Où pour tous les semis la terre est déjà prête.
 
Un portique rouillé, d’où nul agrès ne pend
Semble se désoler de cette solitude.
Il faut, pour le sauver de la décrépitude,
Que reviennent bientôt les chansons d’un enfant.
 
Sous mes pieds l’herbe neuve annonce le printemps,
Mais je découvre encor, victimes des froidures,
Les vestiges noircis de défuntes verdures.
Le cycle de la vie lance un défi au temps.
 

 

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Jacques Fabre © 6 avril 2003 
 
     Nuages
   
C’est un chaos de gris, de blancs,
Ce sont des joutes pacifiques
Entre légions séraphiques
Et archanges mirobolants.
 
Ce combat qu’arbitre le vent
Se noue en étreintes épiques ;
Mais point de morts catastrophiques
N’endeuillent l’un ou l’autre camp.
 
Les alizés balaient la nue.
Reste une gaze que dilue
L’infini glacé de l’éther.
 
Tous les combattants se font brume
Qui se dépose sur la mer
Avant de mourir en écume.
 
mer_nuages
Photo Yves Mounier (c) novembre 2005 - Bao an anaon
                       Jacques Fabre © 5 octobre 2005           
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*libellule
La libellule*
 
 
Agitant dans les airs le ténu filigrane
De l’aile qui la porte en un vol éthéré,
La libellule arrache un soupir atterré
Au nénuphar jaloux de sa grâce diaphane.
 
Loin du train fracassant du vrombissant lucane
Dont le calme du soir est souvent altéré,
Son soyeux glissement au souffle oblitéré
Berce les jours brûlants de la terre occitane.
 
Le triste scarabée, en ses habits de deuil,
Négligeant son terrier s’arrête sur le seuil :
Il ne veut rien manquer de sa ronde en ellipse !
 
Sa lente danse suit la chanson du bouvreuil ;
Son large regard luit… Il faudrait une éclipse
Pour voiler les points d’or qui brillent dans son œil !
Bouts rimés -  rimes proposées sur le site "Ecrire en liberté"
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                           Jacques Fabre © 12 octobre 2005 
 
Vendanges en Champagne
 
Sous le coton épais des brumes matinales
La Marne se refuse à sortir du sommeil.
Ni les premiers rayons d’un courageux soleil,
Traversant du ciel bleu les fraîcheurs automnales,
 
Ni l'aboiement des chiens au passant inconnu,
Ni le long hurlement des trains fous qui lacèrent
En lambeaux tournoyants les nuées plus légères
Ne peuvent l’extirper de son repos têtu !
 
Sur les riches coteaux tirés à quatre épingles
Déjà les vendangeurs emplissent leur panier,
Aussi précieusement que fait un jardinier.
Ils ignorent les vents furieux qui les cinglent.
 
Les efforts, le travail, les muscles qui font mal,
La Marne s’en fout bien : car la Marne roupille !
Elle sait que bientôt l’or vivant qui pétille
Enflammera de joie les flûtes de cristal !
 
vendanges

Photo Jacques Fabre

                      Jacques Fabre (c) 18 septembre 2005  
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ile_de_re
Le pont de l'île de Ré (photo X)

 

    Île de Ré
 
 
Comme un vieux paquebot rouillé sous le grand vent,
À son môle entravé, sous le poids de la chaîne,
Prisonnière à jamais de l’ancien continent,
On t’exhibe aux badauds tel un énergumène !
 
Déjà tes sols bâtis, lotis, parcellisés,
Avaient failli périr de fièvre utilitaire.
Et l’odeur des merguez chargeant les alizés
Faisait douter qu’on fût en paradis sur terre.
 
Sauras-tu résister à cet ultime coup ?
A ce pont qui te livre aux cohortes terriennes ?
Ton parfum, ton soleil seront-ils aussi doux
Lorsque t ‘auront quittée les meutes aoûtiennes ?
 
Mais un jour tu rompras ta chaîne de béton…
Tu cingleras enfin vers la vieille Atlantide,
Argo monumental guidé par Phaéton,
Et tu retrouveras là ton âme candide.
 
                     
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                              Jacques Fabre © 10 juillet 1988 
 



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