Les textes de Jacques Fabre
 

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Le cri (sonnet)
Les raboteurs (sonnet)
Les coquelicots (sonnet)
Angélus 
(sonnet)
 
Le cri                             
 
 
Le soir lourd s’avançait sur la digue fuyante ;
Un silence de plomb soudain figea tout l’air.
L’eau ne clapotait plus. Les flots noirs de la mer
Ouvraient un bal mortel d’apocalypse lente.
 
Sur le chemin teinté d'une ombre rutilante,
Nonchalants promeneurs, au sacrifice offerts,
Deux badauds cheminaient, sereins, vers les enfers,
Le regard ignorant ma dépouille ondoyante.
 
Sous la fusion des nues, sous l’oeil clos d’un dieu mort,
Les volutes dressées des eaux vives du fjord
Menaçaient la cité et les bateaux fragiles.
 
Et j’allais, spectre aveugle, à deux mains étouffant
Le vacarme incessant de cohortes fébriles,
Hurlant mon cri muet au travers du néant.
 
le_cri
Le cri, Edvard Munch
 
Jacques Fabre © 30 juillet 2004             
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raboteurs
Les raboteurs, GustaveCaillebote
Les raboteurs
 
 
Courbés en un effort de bêtes sous le joug,
Leurs rabots déroulant dans un bruit de raclage
Les volutes noircies d’une crasse sans âge,
Trois hommes, demi nus, travaillent à genoux.
 
Les lames en crissant découvrent un bois roux.
Leurs muscles tendus jouent dessous leur peau en nage
Qui brille sous le flot du violent éclairage
D’une fenêtre close au joli garde-fou.
 
Ils paraissent lancés dans une course folle.
Le premier croit déjà savourer sa gloriole ;
Le second, d’un coup d’œil, évalue son retard.
 
Le troisième, égaré, a perdu toute chance
De rattraper jamais un aussi grand écart
Et de goûter, du vin, la douce récompense.
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             Jacques Fabre ©  9 mars 2006
 
Les Coquelicots                                 
 
C’est un beau jour d’été. Au ciel bleu s’éparpille
Le chaos morcelé des orages récents.
Mais, avant une averse, on mène les enfants
Se dégourdir un peu, tant que le soleil brille.
 
Un talus chatoyant partage la famille :
Deux en haut, deux en bas ; ils marchent calmement.
De gais coquelicots, écarlate torrent,
Éclaboussent les mains de la petite fille.
 
Fleur à fleur elle arrange un éclatant bouquet :
Il trônera bientôt au milieu d’un buffet
Avant de s’étioler en rutilantes larmes…
 
Protégeant la maison de leurs sombres créneaux,
Des arbres, alignés comme des hommes d’armes,
Festonnent les sommets de paisibles coteaux.
 
coquelicots
Les coquelicots, Auguste Renoir
              Jacques Fabre © 22 juillet 2004               
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angélus
 

L'Angélus, Millet

Angélus
 
 
Sous le ciel embrumé que blanchit le couchant,
Recueillis, au–dessus d’un panier de patates,
Leurs sabots alourdis dans les mottes ingrates,
Ils sont tous deux plantés au beau milieu du champ.
 
Au loin, le clocher pleure un monotone chant
Enveloppant le flot d’oraisons adéquates.
Il sera juste temps de gagner ses pénates
Avant la nuit propice aux actes des méchants.
 
Le latin rocailleux de l’humble patenôtre
Nourrit leur âme fruste. Un rude pain d’épeautre
Suffira pour les corps qu’il faut bien restaurer !
 
Leurs yeux obstinément sont fixés sur la terre
Qui les nourrit si peu. À quoi bon implorer
Un ciel hautain qui reste sourd à leur prière ?
 
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           Jacques Fabre © Janvier 2009
 



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